Pourquoi (et comment) j'ai laissé 25.000€ de droits d'auteur s'envoler
Pas littéralement. L'argent n'a pas d'ailes. Mais t'as l'idée.
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Les derniers épisodes d’Histoires d’Argent
Son grave accident a façonné l'idée et la valeur de l'argent pour Léonie
Nico, ex-joueur de poker pro, entrepreneur dont la boîte a été liquidée
Frank gagne 15k€ par mois et se « fout royal de l’argent » (ha oui ?)
Et maintenant, mon histoire du jour :
Si trier / me débarrasser de près de 50 ans de ma vie pour préparer mon déménagement m’aura fait un bien fou, il y a aussi quelques effets collatéraux que je n’avais pas vus arriver.
Je suis retombé sur mon dossier « Futur Papa » et ça m’a fait bizarre.
Bizarre de retomber sur les courriers d’avocat, sur les contrats, mais aussi de constater le chemin parcouru depuis 2007 sur mon rapport à l’argent.
Ce bouquin cristallisait tellement de choses sur ma perception de l’argent. Je te raconte !
Si tu n’as jamais entendu parler de Futur Papa, voici un rapide topo :
Fin 2005, la future mère de mes filles est tombée enceinte. J’ai senti de suite qu’il allait se passer un truc particulier dans ma vie d’homme.
Au départ, c’était un blog…
J’étais en pleine bourre créative, j’étais en train de lancer madmoiZelle et une nuit où j’étais en train de coder (ué j’ai dév madmoiZelle pendant des années), je me suis vu créer un blog intitulé Futur Papa et commencer à écrire dedans.
Quelques semaines plus tard, je me dis que je vais imprimer tout ça à la naissance de notre enfant et que je l’offrirai à ma femme en cadeau à la maternité.
Je lui ai donc demandé de ne pas aller lire ce blog. Histoire de garder la surprise.
En échange, elle m’a fait promettre un truc que j’imaginais à la base futile : si j’écrivais encore à la moitié de la grossesse, je devais envoyer mes posts à un éditeur.
Fast forward : quatre mois plus tard, je continue à écrire dans ce blog presque chaque nuit de boulot, l’url a fait le tour des forums de femmes enceintes (dont je n’avais aucune connaissance à l’époque) et il y a un monde fou qui lit mes histoires quotidiennement.
Je n’avais aucun envie d’envoyer mes textes à un éditeur, mais je finis par tenir ma promesse, j’envoie un mail avec un condensé de mes bafouilles à un éditeur, et de fil en aiguille je me retrouve à signer un contrat d’édition avant même la naissance de notre future fille.
À la fin du blog, il y avait plus de 7 000 personnes par jour qui attendaient qu’« Elle » accouche.
Mon heure de gloire chez Karine Lemarchand
Re fast forward : le bouquin a été un carton, je fais même un passage avec Karine Lemarchand chez Les Maternelles alors que le livre n’est même pas encore sorti (y’a même une vidéo si tu veux voir la gueule - et la voix - que j’avais en 2006, c’est flippant).
Le livre est sorti en janvier 2007, j’ai signé avec un éditeur qui se retrouve avec un succès commercial un peu malgré lui.
Arrivé en fin d’année 2007, je reçois beaucoup de mails de gens qui cherchent à offrir le livre pour Noël.
Bien sûr, le cadeau idéal à ton gendre si ta fille attend un heureux événement (ou à ton fils si ta belle-fille attend un enfant… tu l’as).
Plus de 700.000 nouvelles naissances en France chaque année. Y’avait moyen d’en faire un carton au long cours, de cette histoire.
Ces idiots Ils ont été capables d’être en rupture de stock pour les fêtes de fin d’année. Des génies.
Après 7 ans à travailler chez Pimkie où tout est optimisé pour faire en sorte qu’une fringue qui a du succès soit toujours en stock, je découvre un éditeur infoutu de réimprimer un bouquin qui aurait pu cartonner pour les fêtes.
Je m’excusais platement auprès des gens qui m’envoyaient des mails pour se plaindre de ne pas avoir trouvé le livre dans les rayons, tout en pestant sur l’éditeur.
Et si une part de moi était triste que mon bouquin ne soit pas plus lu — après tout, j’y avais mis toutes mes tripes, une autre part de moi était soulagée : je crois qu’au fond je détestais que ce projet gagne de l’argent.
Quand ma deuxième fille est née, j’ai remis ça, sans même trop y réfléchir. “Futur Papa 2” zbim.
Une histoire trop pure pour l’entacher avec de l’argent
Je ne le savais pas encore, mais je m’étais d’ores et déjà tiré une magnifique balle dans le pied : toute cette histoire était une très belle histoire et elle était trop pure pour l’entacher avec de L’ARGENT.
Je me souviens avoir négocié sur les pourcentages de mes droits, plus poussée par les conseils d’une amie autrice que par réelle conviction de m’enrichir avec la publication de ce livre.
Je m’étais arrangé avec ma conscience en disant qu’on ferait 1/3 pour ma femme et moi, et les 2/3 restants pour nos filles.
Plus de 25.000 exemplaires vendus.
Plus les droits dans quelques pays (en Espagne, en Thaïlande) (oui j’ai mon bouquin traduit en thaï, tout à fait)
Plus les droits à J’ai Lu pour la version poche.
Au total, l’éditeur me devait entre 25 et 35 000 euros, sans doute. Je n’ai jamais eu vraiment les chiffres.
J’ai été payé de mon avance sur droits, mais année après année, je sentais que les droits d’auteur ne tomberaient pas automatiquement.
Au final, je n’ai quasiment rien touché sur ces 25-35 000€, la maison d’édition ayant fait faillite auparavant, sans payer ses autrices et ses auteurs bien sûr.
J’imagine que ceux qui ont montré les crocs le plus tôt auront été payés en premier.
Le velléitaire pour me faire payer
De mon côté, je faisais le velléitaire.
J’étais très prompt à faire des posts sur mon blog pour dénoncer cet éditeur mauvais payeur, mais c’était clairement plus pour dénoncer l’injustice que pour aller chercher L’ARGENT.
La preuve, j’ai dégainé la vraie arme pour me faire payer — un avocat bien agressif comme il faut — bien trop tard. C’était déjà cuit.
Résultat : tout comme Anne-Catherine dont je te parlais il y a quelques semaines qui s’est fait arnaquer par son associée pour rester loyale à ses parents, j’ai trouvé le parfait éditeur pour matcher avec ma croyance sur l’argent : un escroc qui allait surtout ne pas salir de tout cet argent ce beau projet… et garder les euros pour sa pomme.
J’ai aujourd’hui beaucoup de compassion pour le Fab de l’époque. Vraiment.
Je vois à quel point sa relation à l’argent a tué dans l’œuf ce projet qui avait tout pour être un incroyable succès commercial, dans le temps.
Parce que si en 2025 les étagères de la FNAC regorgent de livres pour les futurs papas, mon bouquin était tout simplement… le tout premier en 2007.
Petite note finale. J’ai reçu il y a quelques jours ce message sur Instagram :
Venant de la même personne qui m’avait écrit ceci en 2018, quelques jours après avoir diffusé une interview avec mes filles (alors âgées de 12 et 10 ans) :
Autant te dire que ça me touche profondément, ce côté Le Cycle de la Vie. De voir les années passer, de nous voir évoluer toutes et tous en parallèle. Ça me fume, tiens.
Voilà. Même si je suis moins riche de quelques dizaines de milliers d’euros, ce livre et tout ce projet m’auront aussi apporté pas mal d’expériences riches en émotions.
Ce qui est dommage, c’est d’avoir opposé les émotions et l’argent à l’époque. J’aurais pu avoir les deux. Aujourd’hui, je veux les deux.
Si ça t’intéresse, j’ai relu des passages du livre dans un live twitch il y a 2 ans, tiens voilà le replay c’est cadeau :
À la semaine prochaine !
Fabrice
Bonjour.
Merci pour le post.
Une réaction concernant la phrase suivante : j’ai trouvé le parfait éditeur pour matcher avec ma croyance sur l’argent : un escroc qui allait surtout ne pas salir de tout cet argent ce beau projet… et garder les euros pour sa pomme.
Je ne comprends pas bien le lien "magique" qui est attribué à ce choix d'éditeur et ton rapport à l'argent.
En quoi, à l'époque, en trouvant l'éditeur pour la publication du premier livre, pouvais-tu savoir qu'il ferait faillite lors du deuxième livre et donc ne te paierait pas?
Certes, l'expérience du premier livre et du problème de tirage a démontré une certaine incompétence et tu aurais pu te dire qu'il fallait mieux changer d'éditeur. Mais on peut aussi considérer que l'erreur est humaine et que dans le bénéfice du doute, l'éditeur s'était planté une fois et cela se passerait mieux ensuite.
Concernant la faillite et le fait de ne pas avoir été payé, tu écris: "J’imagine que ceux qui ont montré les crocs le plus tôt auront été payés en premier."
Donc c'est le système capitaliste et patriarcal dans lequel nous sommes qui nous impose parfois, si on veut être payé, à se battre (avec avocat etc.).
Ok, ton rapport à l'argent de l'époque fait que tu ne voulais pas te battre pour récupérer cet argent. En tout cas, pas tout de suite.
Sauf qu'à la base, une personne qui écrit des livres n'est pas censée avoir des aptitudes pour, en cas de faillite, se battre pour faire valoir ses droits et récupérer l'argent qui lui est dû. C'est le système qui l'impose. Le système est parfois injuste. Parfois, il impose pour faire valoir ses droits et obtenir ce qui nous est dû de devoir faire des choses pour lesquelles nous n'avons pas été formé ou sommes mauvais.
Donc si on accepte "de jouer" avec les règles du système et qu'on se bat, on pourra éventuellement gagner de l'argent (dans le cas d'une faillite et si on prend en compte les frais d'avocats, ce n'est pas garanti qu'on récupère toutes ses billes).
Mais si on refuse de le faire, je pense qu'il y a plusieurs raisons possibles. Cela peut-être effectivement parce qu'on a un rapport compliqué à l'argent. Mais je vois d'autres raisons possibles. On peut ne pas vouloir se battre (évitement du conflit) ou bien on estime que ce combat légal va nous coûter trop d'énergie physique et mentale et de temps ou encore on ne veut pas entretenir le système capitaliste en refusant de jouer avec les règles injustes qui nous est imposé.
Je ne sais pas si je suis très clair mais selon moi, lier ton rapport à l'argent de l'époque directement avec ton choix d'éditeur me semble être un léger raccourci.
Si ton éditeur n'avait pas fait faillite, tu aurais été payé, quelque soit ton rapport à l'argent, non ?
Je compatis pour l'éditeur qui n'a pas payé, car j'ai vécu la même situation avant que la maison d'édition fût racheté par une autre personne !